Apocalypse Bébé de Virginie Despentes

Valentine disparue... Qui la cherche vraiment ?

Entre satire sociale, polar contemporain et romance lesbienne, le nouveau roman de Virginie Despentes est un road-book qui promène le lecteur entre Paris et Barcelone, sur les traces de tous ceux qui ont connu Valentine, l'adolescente égarée... Les différents personnages se croisent sans forcément se rencontrer, et finissent par composer, sur ton ton tendre et puissant, le portrait d'une époque.

**Prix Renaudot 2010**

Lucie Tolédo est détective privée. Mais elle en a assez de ce qu'on lui fait faire. Son but à elle : suivre des ados pour les surveiller au cas où ils font des conneries (sexe, drogues et rock'n roll). Cette fois-ci, c'est la grand-mère d'une ado qui l'engage pour suivre sa petite-fille Valentine. Il faut dire que la gamine est quelque peut égarée entre les pipes qu'elle fait aux garçons dans le parc et son comportement qui vire rebelle.
Un jour, elle disparaît alors même que Lucie la filait. Comment ? La détective se le demande toujours. Là, son job prend une autre ampleur, la grand-ma lui demande de retrouver Valentine.
Rien ne sert de rentrer plus dans l'histoire. C'est un scénario assez classique mêlant enquête et road-book, comme le dit la quatrième de couverture. On pourrait parler de La Hyène, mais nous le ferons plus tard.

Non, le point fort de ce roman, ce n'est pas l'histoire. Mais sa mise en place, ses personnages tous plus vivants les uns que les autres et le style de Virginie Despentes. On est jeté dans l'histoire alors qu'elle est déjà commencée. C'est très simple, elle commence alors que Valentine a déjà disparue. Du coup, on va tout apprendre d'elle au fur et à mesure mais avant, nous ne savons rien, pas même pourquoi Lucie la filait. C'est au fil des portraits des gens de l'entourage qui ont connu Valentine que l'on va apprendre à découvrir l'adolescente troublée.
Comme je l'ai dit plus haut, les personnages de ce roman sont l'un des points forts du livre, ils sont humains, vivants. Ils sont nos voisins, nos familles, parfois nous-même... bien malheureusement et bien malgré nous. On se prend d'affection pour certains alors qu'on ne l'aurai jamais imaginé, on en déteste beaucoup comme on déteste en général beaucoup de monde dans la vie réelle. On s'attache à Valentine alors qu'on la voit à peine, simplement grâce aux témoignages des autres.
On ne voit pas Valentine, on ne connait pas Valentine et on la découvre, on apprend à la connaître. Et cette approche de la mise en place marche, on a envie de savoir qui elle est, pourquoi elle a fugué, pourquoi elle fait certaines choses. On veut tout savoir, on veut la retrouver, on veut la connaître, lui mettre aussi des baffes pour qu'elle se ressaisisse. On a une narration à la première personne entre-coupé par les fameux portraits des gens qui ont connus l'ado qui eux, sont à la troisième et qui nous en apprennent plus sur Valentine ou sur ces personnages eux-mêmes, que ce soit de leurs présents ou de leurs passés.
On arrive donc avec rien en main et on nous donne les cartes pour reconstituer toute l'histoire.

Je vous propose un extrait, c'est un passage où le personnage de La Hyène veut obtenir des informations d'un adolescent punk/nazi d'un groupe hardcore.

Allongée sur lui, elle lui parle à l'oreille : - Écoute connasse, je viens de te le dire : on va pas y passer la soirée. T'as un concert, on a de la route, le plus simple c'est que tu fasses vite. Tu doute encore cinq minutes et je t'ouvre l'anus avec mon poing. Tu sais que je vais te faire super mal quand je vais te fister jusqu'au coude ? Tu veux essayer ?

C'est un peu ce que Virginie Despentes fait avec nous. Elle nous fourre, non pas son bras, mais une batte de baseball dans le cul et l'enfonce jusqu'au manche. Elle nous attrape par le col de la chemise et nous démolie à coup de mot. Elle nous oblige à plonger notre tête dans la merde qu'est notre vie, mais par ces actes, à nous faire réfléchir.
Ce roman est une fresque de notre société actuelle. Bien sûr, on pourra toujours trouver des snobinards péteux qui diront qu'elle en fait trop... que : « Non ! Les adolescente ne font pas de tournante ! Ne suce pas les garçons dans les cages d'escalier ! Cette génération est certes médiocre, mais pas dépravée et pervertie à ce point. »
Putain mon brave gars, reste dans ton cocon et branle toi sur tes fantasmes utopiques parce que moi, j'ai déjà vu des choses et crois moi, je suis heureux d'avoir échappé de justesse à ce mode de vie. D'être né dans les années 80 plutôt que 90. De ne pas avoir été adolescent aujourd'hui. Je suis heureux mais en même temps, quand je vois certaines choses, j'ai envie de me flinguer, de me dire que je dois rêver. Quand je vois ces deux nanas de 15 piges aller accoster ces deux racailles avant de partir dans la forêt avec eux, probablement pour les sucer, j'aimerai avoir juste rêvé... Bref, j'arrête de raconter ma vie et reviens sur la notre et sur le livre.
En plus d'une adolescence dépravée et troublée (car Valentine n'est évidemment pas une salope de naissance, elle a vécu des choses qui l'ont forgée), on a également d'autres aspects de la société. On y traite de l'argent et du besoin d'en avoir. De la télévision, de la notoriété. Du sexe dans tout ses états, de confiance et d'adolescence innocente brisée et influençable. De plein de chose, mais c'est bien sûr le comportement humain qui m'a frappé grâce encore une fois à ces personnages qui forment l'histoire.
Enfin, le style de l'auteur est un atout considérable. Elle ne prend pas de pincette. Pour nous ouvrir les yeux sur le monde dans lequel on vit, elle va droit au but avec un langage cru, direct en ne faisant pas de chichi. Elle nous défonce le crâne à coup de syllabes et nous achève à coup de phrases parfaites non enjolivées. Bref, pour nous parler de la merde, elle nous en parle cash. Mais malgré ça, c'est un langage cru poétique. Ouais, j'ai trouvés certaine tournures superbes. Elle réussit à faire de jolies choses en utilisant la sodomie comme métaphore, par exemple.
Virginie Despentes c'est une plume désenchantée et en même temps tellement salvatrice.
Si un jour on pouvait utiliser les mots pour changer le monde, Virginie Despentes serait notre guide. Pour sûr !
C'est un livre qui vous distraira comme tout bon livre, mais qui fera plus. Vous ouvrira les yeux, vous fera réfléchir sur le monde qui vous entoure et peut-être même qui sait, vous aidera à vous remettre en question. Parce que Valentine c'est un peu nous tous, d'une certaine manière. On est tous un peu paumé sur cette planète.
A ne pas mettre entre toute les mains (à cause du langage cru et de certanies scènes « trash »), mais à lire indéniablement.


Je n'ai pas parlé de La Hyène ? Zut alors, ça vous fera une belle découverte alors !

4 commentaires:

  1. pfiou !! et ben !!
    Que dire ??
    Sinon que ta critique retransmet bien, pour moi, l'état des lieux de ce livre, ainsi que son ton général.
    Tu le sais, j'ai été très "touché" par ce bouquin, moi aussi.
    Cela dit, bien que j'y trouve des correspondances avec le monde qu'est le nôtre aujourd'hui, j'ai envie de croire que Apocalypse Bébé n'est qu'un roman...
    Car bien qu'il m'arrive parfois, à moi-aussi, d'être paumée, ou de l'avoir été (et dans le genre, crois-moi, je pense savoir de quoi je parle), j'ai envie d'espérer.
    J'ai cette part en moi qui me fait dire qu'une partie de la vie n'est pas le roman de Despentes...

    Bravo pour ta critique !
    Ca fait du bien d'être de retour sur la blogosphère avec ton chez-toi ;)
    Bises

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  2. Oui, je suis d'accord pour dire qu'on peut s'en sortir, qu'il y a toujours de l'espoir voir même du bon en tous, mais quand même, ça part en couille depuis si longtemps que parfois on se pose la question.

    Merci beaucoup pour ce com, et surtout très bon retour parmi nous !

    Et faut qu'on se tienne au courant pour notre lecture commune de Bye Bye Blondie hein :P

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  3. Ha oui, avec plaisir !
    Là je suis dans Vampire Academy tome 1, mais je galère à avancer.
    Du coup, pour me redonner un peu le goût de la lecture, j'ai attaqué le tome 5 de Rachel Morgan !! Gnark gnark ! Et ça marche puisque j'ai lu 90 pages hier soir ;)
    On se prévoit quelques lectures co en 2011, alors!
    ...
    Et oui, il est parfois difficile de se dire que les choses peuvent s'arranger, ou bien aller.
    Ca depend de ce que nous reservent les journées que l'on vit...

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  4. Yeah ! Rachel !! Hâte de me le faire aussi ! Hâte pour les lectures communes ! Hâte de revoir de l'activité sur A vue d'oeil ! Hâte de... non j'arrête.

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